Comment certains sites vous trompent ou vous manipulent
Un produit ajouté en fin de commande, un bouton "accepter" mis en évidence, un message culpabilisant lorsque vous refusez une réduction, un abonnement en trois clics mais un désabonnement impossible... Bienvenue dans le piège des "dark patterns" ! De nombreux sites, applications, réseaux sociaux ou moteurs de recherche utilisent des éléments graphiques (couleur, taille des boutons...) ou des procédés techniques pour influencer votre comportement et vous inciter à cliquer, acheter, vous abonner ou fournir des données personnelles. Comment repérer ces techniques manipulatrices ? Comment ne pas tomber dans le piège ? Comment sont-elles réglementées en Europe ? Explications dans cet article.
- Comment certains sites vous incitent à acheter
- Comment se faire piéger par un abonnement caché
- Conseils pour ne pas tomber dans le piège des dark patterns
- Impossible d'annuler un abonnement en ligne ?
- Comment les formulations peuvent vous piéger
- Comment certains sites vous soutirent des informations personnelles
- Ces techniques manipulatrices sont-elles réglementées en Europe ?
Comment certains sites vous incitent à acheter
- Une option, une assurance ou un service d'un montant minime est rajouté à la fin de votre commande en ligne. Pour ne pas recommencer le processus de la commande, vous finissez par accepter ces frais supplémentaires.
- Le site vous rappelle qu'en payant seulement quelques euros de plus, vous bénéficierez d'une livraison gratuite.
- Des messages bien placés créent une situation d'urgence, vous donnent l’impression de passer à côté d'une bonne affaire ou d'un produit / service très rare.
Exemples : "Seulement 3 chambres d'hôtel de cette catégorie sont disponibles à ce prix ", "annulation gratuite, rien à payer maintenant", "47 autres personnes regardent cet article", "Il ne reste que trois articles en stock"...
- Lorsque vous passez une commande, votre panier contient déjà des articles que vous devez supprimer.
- Alors que vous recherchez un produit ou un service précis, le site vous montre d'autres options qui pourraient vous intéresser ou des offres et des remises qui vous permettent d'acheter plus pour le même montant.
- Le site affiche des avis de clients ou des vidéos d'influenceurs qui vantent le produit. Il utilise la preuve sociale via des témoignages pour vous inciter à acheter des articles spécifiques.
- Une nouvelle importante s'affiche à votre écran, vous cliquez dessus mais il s'agit en fait d'une publicité pour un produit.
Exemple de message cliquable : "votre commande est arrivée !"
- Le site affiche un message culpabilisant si vous refusez un produit, une remise ou un service, ou souhaitez annuler l'achat. Cette technique de dark patterns s'appelle le "confirmshaming". Posez-vous les bonnes questions avant de cliquer !
Exemples : "non merci, je déteste économiser de l'argent", "non merci, je déteste recevoir de bonnes affaires, je préfère payer le prix fort"
Comment se faire piéger par un abonnement caché
- Une fenêtre pop-up s'ouvre et vous promet un essai gratuit pour un produit mais vous devez donner les détails de votre carte de crédit. Il s'agit certainement d'un abonnement caché avec des frais mensuels ou annuels qui seront débités de votre compte.
- Le prix mis en évidence est un tarif avec une option "prime, "avantage". Si vous validez ce prix, vous souscrivez à l'option qui prend bien souvent la forme d'un abonnement mensuel.
- Le site vous propose des livraisons régulières du même (type de) produit dans le but de faire, soi disant, des économies. Attention à la surconsommation ! Attention à l'abonnement caché !
Conseils pour ne pas tomber dans le piège des dark patterns
- Vérifiez si l'achat reste intéressant malgré les frais supplémentaires. Comparez les prix, les offres sur d'autres sites.
- Ne vous laissez pas intimider par des messages accrocheurs comme "plus que 3 articles en stock" ou "dernières places disponibles".
- Prenez le temps de vérifier si l'offre et les options proposées correspondent vraiment à vos besoins. Posez-vous les bonnes questions !
- Avant de confirmer l'achat, vérifiez votre panier, supprimez les articles/options/services non souhaités.
- Lisez toujours attentivement les cases à cocher et les options.
- N'oubliez pas que vous disposez peut-être d'un droit de rétractation et donc de 14 jours pour changer d'avis.
- Si le droit français s'applique, vous êtes protégés en cas de renouvellement automatique de votre abonnement.
Impossible d'annuler un abonnement en ligne ?
- Quelques clics pour vous abonner, mais des centaines pour vous désabonner ! Certains sites "cachent" les conditions de résiliation dans leurs conditions générales d'abonnement. Certaines applications obligent l'utilisateur à se connecter sur la version PC de son compte client pour avoir accès aux modalités de désabonnement.
Exemple : Amazon Prime a été contraint par la Commission européenne de rendre plus simple ses pratiques de désabonnement.
Bon à savoir : En France, la loi Châtel oblige les professionnels à informer leurs clients par écrit, entre trois mois et un mois avant la fin de l'abonnement ou du contrat avec tacite reconduction, de leur possibilité de ne pas le renouveler. De plus, s'inspirant du "bouton de résiliation" mis en place en Allemagne depuis juillet 2022, les sites internet des opérateurs téléphoniques, des journaux, des assurances, des compagnies de transport, des fournisseurs d'électricité et même des sites de rencontre en France devront proposer une fonctionnalité gratuite permettant de faciliter la résiliation d'un abonnement au plus tard le 1er juin 2023.
- Vous recevez des notifications de mise à jour de votre application. Elles indiquent que la mise à jour est vitale", "cruciale" ou "nécessaire". Mais en fait, il vous est impossible de la refuser.
Exemple : Mise à jour de WhatsApp. Lire le résumé de l'action du réseau CPC avec la Commission européenne.
Comment les formulations peuvent vous piéger
Certains sites utilisent des formulations peu explicites, des phrases négatives ou des doubles négations pour vous inciter à faire le contraire de ce que vous vouliez vraiment.
Conseil : lisez attentivement les options qui vous sont proposées.
Comment certains sites vous soutirent des informations personnelles
Attention si le site ou le réseau social :
- vous promet un meilleur service si vous activez la géolocalisation ;
- a paramétré votre compte de manière à ce que vos données et vos publications soient accessibles à tous ;
- met en avant le bouton "accepter tout" pour les cookies ;
- fait apparaitre une fenêtre pop-up dans laquelle vous devez rentrer votre adresse e-mail et met en évidence le bouton "envoyer" pour recevoir par exemple une réduction ou d’autres informations intéressantes (ex : les mesures sanitaires Covid-19 dans le pays dans lequel vous allez voyager).
Tous ces techniques n'ont qu'un seul but : vous soutirer des données personnelles ! Ces données ont une réelle valeur car elles peuvent être vendues à des entreprises qui pratiquent le marketing ciblé (publicité ciblée selon le comportement, les habitudes ou le lieu de résidence des internautes). Lisez notre article "Comment protéger vos données personnelles ?"
Ces techniques manipulatrices sont-elles réglementées en Europe ?
Actuellement, il n'existe pas de définition, ni de législation européenne encadrant les dark patterns. Ces techniques manipulatrices tombent sous le coup de plusieurs directives ou règlements européens relatifs au droit de la concurrence, au droit des consommateurs, à la protection des données ou à l'intelligence artificielle.
Exemple : La directive sur les droits des consommateurs interdit les cases pré-cochées.
Certaines techniques peuvent être considérées comme des pratiques commerciales déloyales.
Exemples : annoncer un bien ou un service comme "gratuit" alors qu'il faut payer pour l'obtenir, attirer les consommateurs avec des prix très attractifs mais les produits sont indisponibles.
La Commission européenne est allée plus loin dans la lutte contre ces pratiques souhaite aller plus loin et réglementer les pratiques dans le numérique :
- Le règlement européen Digital Services Act (DSA), qui s’applique aux très grandes plateformes en ligne et moteurs de recherche depuis le 25 août 2023 et à partir du 17 février 2024 pour toutes les autres plateformes en ligne européennes ou visant les consommateurs européens, prévoit l’interdiction des dark patterns.
Ce règlement interdit précisément aux plateformes en ligne de concevoir, organiser, exploiter leurs interfaces de façon à tromper les consommateurs et à altérer leur capacité à prendre des décisions claires et éclairées. La Commission européenne pourrait publier des lignes directrices précisant cette interdiction.
Cette réglementation vise explicitement certaines pratiques, telles que celles consistant à :
- mettre en avant un bouton plus qu’un autre pour influer sur le choix des consommateurs;
- demander de façon répétée aux consommateurs de faire un choix lorsque ce choix a déjà été fait (souvent dans un contexte de résiliation d’un service);
- rendre la procédure de désinscription d’un service plus compliquée que l’inscription à celui-ci;
Le non-respect de cette réglementation est notamment passible d’une amende allant jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial annuel de la plateforme concernée.
La Commission européenne a également publiée une « étude comportementale sur les pratiques commerciales déloyales dans l'environnement numérique » le 16 mai 2022. Elle propose notamment d’interdire les pratiques les plus préjudiciables pour les consommateurs, d’imposer aux professionnels une obligation de conception, de design équitable ou neutre et d’élaborer des lignes directrices et des exemples pratiques pour les entreprises et les concepteurs.
Les dark patterns sont également discutés dans le nouveau règlement ePrivacy qui devrait notamment s'attaquer à l'utilisation des cookies et au marketing direct.
En attendant, les autorités de contrôle du règlement sur la protection des données personnelles (RGPD) peuvent sanctionner des professionnels si les techniques qu'ils utilisent sur leurs sites portent atteinte la protection des données personnelles.
Exemple : l'autorité française CNIL a infligé des amendes à de grandes entreprises, des médias sociaux et des moteurs de recherche, pour avoir rendu plus difficile le fait de refuser des cookies plutôt que de les accepter.
Certaines autorités en Europe publient également des recommandations pour protéger les consommateurs contre la tromperie.
Exemples :
- les lignes directrices de l'autorité néerlandaise à l'intention des webdesigners et des développeurs,
- l'étude de marché de l'autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA),
- l'étude de la DGCCRF et de la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP) pour mieux protéger les consommateurs contre la fraude en ligne,
- Les règles que les consommateurs irlandais doivent connaître publiées par l'organisme irlandais de réglementation de la publicité.
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