Compte bancaire bloqué : pour quelles raisons ? Que faire ?
Votre néobanque allemande a suspendu votre compte et vous réclame des informations précises ou une photo de vous avec votre carte d’identité ? C'est possible et même légal ! Les banques, néobanques et autres services de paiement ont l'obligation de connaître leurs clients et de surveiller leurs transactions afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Mais en Europe, ces procédures dites de "know your customer" ("connais ton client") sont extrêmement réglementées dans le domaine financier, bancaire et des assurances. Quelles sont alors les informations qu'une banque peut vous demander ? Le manque d'informations sur un client ou sur un mouvement inhabituel sur le compte peut-il justifier le blocage du compte ? Comment débloquer un compte ? Explications et conseils dans cet article.
- Qui peut me demander des informations personnelles ?
- Banque, services de paiement, néobanque, fintech… quelles différences ?
- Quelles informations une banque peut-elle demander ?
- Que fait la banque en cas de soupçon de transaction frauduleuse ?
- Que faire si votre compte est suspendu ou bloqué ?
- Qui peut m'aider en cas de problème ?
Qui peut me demander des informations personnelles ?
La liste des organismes financiers qui ont l'obligation d’identifier et connaitre leurs clients ainsi que de vérifier leurs transactions est restrictive. Tous les acteurs soumis à ces obligations sont listés en France dans le code monétaire et financier.
Il s'agit notamment des banques, banques en ligne, néobanques, fintech, des assurances, des entreprises de jeux d’argent et paris, des entreprises d’investissement, des prestataires de services de paiement comme les plateformes de paiement en ligne ou transfert d'argent (Paypal, Western Union...)ou les solutions de cartes de paiement sans comptes bancaires ...
Banque, services de paiement, néobanque, fintech… quelles différences ?
- La banque, comme l'établissement de crédit est une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables, à octroyer des crédits pour son propre compte et fournir des services de paiement (moyens de paiement, virement, prélèvement, dépôt d’argent, retrait d’argent sur les comptes...). Plus d'informations dans la directive sur les services de paiement (DSP1) 2006/48.
- Les banques en ligne sont des banques dont les comptes qui y sont ouverts se gèrent exclusivement par Internet. Certains banques en ligne sont adossées à des banques traditionnelles physiques, d'autres non. Elles proposent généralement une gamme de produits plus large que les néobanques (assurance-vie, bourse, livrets…).
- Une néobanque est une banque dont toutes les opérations se font via votre téléphone portable. Ses solutions bancaires 100% mobile existent en France, en Allemagne, en Lituanie et dans bien d’autres pays européens. En principe, seuls des établissements de crédit peuvent être qualifiés de "néobanques". Mais de nombreux prestataires de services de paiement sont appelés ainsi à tort sur Internet.
- Prestataire de services de paiement : établissement qui émet et gère de la monnaie électronique et fournit des services de paiement (pour pouvoir acheter en ligne par exemple). Plus d'informations dans la directive 2007/64/CE dite (DSP2).
- Fintech : Contraction de "Financial" et "Technology" (technologie financière). Ce terme désigne les entreprises fournissant des services financiers grâce à des solutions innovantes dans le paiement mobile,l’épargne, l’assurance, le crédit, le conseil financier en ligne, le financement participatif ("crowdfunding")... Cela englobe notamment les néobanques, néoassurances, et autres acteurs financiers en ligne.
Quelles informations une banque peut-elle demander ?
Dans le domaine bancaire, financier et des assurances, les informations que l'on peut vous demander dans le cadre des procédures de contrôle de "connaissance du client" sont strictement réglementées. Elles ne doivent servir qu'à des fins de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ces réglementations sont transposées et complétées en France dans le Code Monétaire et Financier (réglementation dite LCB-LT).
Lors de l'ouverture d'un compte dans l'UE, les banques, établissements de crédit, prestataires de services de paiement, néobanques, fintech peuvent donc vous demander un document d'identité ainsi qu'un justificatif de domicile. Pour s’assurer que vous êtes bien le titulaire de la pièce d’identité présentée, une banque en ligne/néobanque pourra vous demander de prendre une photo de vous avec votre pièce d’identité. En Allemagne, les procédures d’identification par vidéo deviennent même de plus en plus courantes.
Ce sont les autorités de supervision bancaires européennes qui valident les procédures et garantissent qu'elles respectent les obligations légales en matière de "Know Your Customer" (exemples : la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) au Luxembourg a précisé toutes les étapes à suivre et les garanties à donner en cas d’identification de nouveaux clients par « video chat », que certaines néobanques européennes pratiquent).
Pour la souscription à certains services, d’autres documents vous concernant peuvent vous être demandés pour répondre à l'obligation de conseil des banques, néobanques...européennes.
Exemples : des justificatifs de revenus et/ou de patrimoine + des informations sur votre situation familiale pour souscrire un produit d’épargne, des explications sur l'origine de l’argent si vous souscrivez une assurance-vie afin d’éviter tout risque de blanchiment de capitaux.
Que fait la banque en cas de soupçon de transaction frauduleuse ?
Lorsqu'une transaction peut potentiellement être frauduleuse (votre compte est soudainement crédité d'une somme importante sans précisions sur le virement ou vous virez une somme inhabituelle de votre compte vers un compte extérieur), la banque peut vous interroger sur l’origine des fonds voire vous demander des justificatifs (objet du virement, numéro d'identification fiscale, justificatif de domicile, justificatif de revenus...).
Attention ! Une transaction inhabituelle n’est pas le seul scénario qui justifie des contrôles ! La réglementation prévoit plusieurs autres cas qui imposent à la banque des mesures de vigilance renforcée (transaction d'un certain montant, impliquant des pays tiers à haut risque...). Plus d'informations sur le site du ministère de l'Economie.
Si la banque ne peut pas obtenir les preuves de l’origine légale des fonds reçus sur votre compte ou virés depuis votre compte, elle a pour obligation d'alerter l'autorité nationale du pays dans lequel elle est située. En France, c’est auprès du service de Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) que la déclaration de soupçon doit être effectuée. Une néobanque allemande effectuera ce type de déclaration auprès de la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin). Elle doit déclarertoutes les sommes ou opérations qu'elle soupçonne provenir d’une infraction passible d’une peine d'emprisonnement de plus d'un an ou qu'elle sait liée au financement du terrorisme. La banque peut même aller jusqu'à clôturer le compte.
Toute banque ou autre prestataire soumis à l'obligation de vigilance qui ne contrôle pas ou ne déclare pas le soupçon de fraude encourt des sanctions pénales pouvant atteindre 100 millions d’euros ou 10% du chiffre d’affaires annuel. En Allemagne, l’amende peut atteindre 5 millions d’euros ou 10% du chiffre d’affaires annuel.
Exemple : une néobanque allemande a été condamnée à une amende d’un montant total de 4 250 000 € en raison de défauts dans la lutte contre la fraude, notamment dans le processus d’identification des nouveaux clients. Cette néobanque a également été contrainte par la BaFin à limiter le nombre d’ouverture de nouveaux comptes par mois pendant un certain temps.
Que faire si votre compte est suspendu ou bloqué ?
Dans la plupart des cas, si un contrôle de votre compte est réalisé suite à un mouvement inhabituel, vous ne vous en apercevez pas tant les analyses sont automatisées et rapides de nos jours. Mais de nombreux prestataires tels que les banques en ligne ou autres services de paiements en ligne ou de transfert d’argent, peuvent être amenés à suspendre l’activité d’un compte le temps de confirmer ou d’infirmer les soupçons, voire de le clôturer définitivement.
Votre compte est suspendu
Si votre néobanque suspend votre compte, elle vous en informe généralement rapidement pour vous demander de lui fournir certaines informations (exemple : preuve du contrat de vente de votre véhicule pour justifier le crédit d’une somme importante sur votre compte bancaire).
Conseils :
- Envoyez-lui les informations et justificatifs demandés au plus vite. Si vous avez des doutes, contactez-la.
- Si votre néobanque ne réagit pas à l'envoi de vos justificatifs et laisse le compte suspendu, contactez-la via tous les moyens de communication mis en place (e-mail, téléphone...) et également les chats en ligne.
- N'oubliez pas de sauvegarder vos échanges en capturant des images du chat en ligne afin de prouver que vous avez déjà effectué une réclamation s’il est mis fin à la discussion par votre interlocuteur.
Votre compte est cloturé
Votre néobanque vous annonce la clôture de votre compte sous 72 heures et vous demande de communiquer vos coordonnées bancaires internationales (IBAN et BIC) pour le versement du solde restant ? Agissez vite ! A défaut, la somme sera bloquée et le compte clôturé.
- Transférez le solde de votre compte sur un autre compte bancaire et gardez si nécessaire toute preuve du solde restant (en faisant une capture d’écran ou en générant un relevé de compte si possible).
- Si vous n’avez pas d’autre compte bancaire, ouvrez-en un rapidement. Plus d’informations sur votre droit au compte en Europe.
- Si vous n'avez pas agi dans les 72h, insistez auprès de la néobanque, recontactez-la en fournissant vos IBAN et BIC et en la mettant en demeure de vous virer le solde dans un délai raisonnable.
5 conseils pour éviter le blocage du compte
- Répondez correctement aux demandes d’une banque, assurance ou tout autre prestataire financier lors de l’ouverture de votre compte ;
- Renseignez l'objet de chaque virement que vous effectuez. Assurez-vous que l’émetteur d’un virement en votre faveur soit aussi explicite.
- Si la banque vous demande des documents ou des informations personnelles, agissez-vite. Attention au phishing (courriel frauduleux avec le logo d'une banque) ! Sachez qu'une banque ne vous demandera jamais vos coordonnées bancaires et votre mot de passe par mail.
- Si vous ne comprenez pas l’objet de la demande, si vous avez des doutes, contactez votre banque. Lisez les conditions générales du contrat pour connaître vos interlocuteurs et les recours possibles.
- Si la banque vous annonce la clôture de votre compte, demandez rapidement le versement du solde sur un autre compte !
Qui peut m'aider en cas de problème ?
Si vous ne savez pas pour quelles raisons la banque vous demande des informations personnelles, si votre compte est suspendu malgré les informations fournies ou si votre compte est clôturé et le solde bloqué, voici les recours possibles :
- faire appel au médiateur de votre banque. Depuis 2015, l’Europe impose l’existence d’un ou plusieurs médiateurs dans tous les secteurs de la consommation dans tous les pays de l’UE. Attention ! En France, vous devrez d’abord saisir un service client avant de pouvoir saisir le médiateur du prestataire concerné. Ce service est en principe mentionné dans les conditions générales de votre contrat et les coordonnées du médiateur apparaissent sur votre relevé de compte. Dans les autres pays européens, la saisine du médiateur peut en principe se faire plus rapidement. Pour trouver un médiateur compétent dans un autre pays de l'UE, consultez le site de la plateforme européenne de résolution en ligne des litiges.
- Introduire une plainte auprès du réseau de résolution des litiges financiers FIN-NET. Ce réseau peut vous aider à résoudre à l'amiable votre litige à l'encontre d'un prestataire de services financiers établi dans un autre pays de l’UE, en Islande, au Liechtenstein ou en Norvège.
- Pour signaler votre problème avec une banque, une assurance ou un intermédiaire du secteur bancaire, ou pour poser une question sur la réglementation, vous pouvez contacter l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution auprès de la Banque de France.
- Enfin, si vous suspectez un abus et souhaitez réclamer des dommages-intérêts,prenez conseil auprès d'un avocat. En effet, vous devrez prouver votre préjudice. Sachez que les banques/néobanques... bénéficient d’une exonération de responsabilité si elles justifient leur décision par leur obligation de vigilance imposée par les contrôles "know your customer" afin de lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
N'hésitez pas à nous contacter si vous avez besoin d'une information sur vos droits en Europe ou sur les procédures amiables ou judiciaires à votre disposition.
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